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2023-03-01 Articles

Le client doit-il toujours être roi?

1er mars 2023

« Le client est roi » ou « Le client a toujours raison » sont des maximes bien ancrées dans les croyances de la majorité des avocats. Nul doute qu’orienter sa pratique vers la satisfaction de la clientèle est une mesure préventive de premier plan pour limiter les risques de faire l’objet d’une poursuite en responsabilité professionnelle.

Toutefois, cela implique-t-il de répondre favorablement à chacune des demandes d’un client? Pouvez-vous laisser celui-ci agir comme bon lui semble dans la conduite de son dossier? La réponse à ces questions est évidemment non.

En matière de prévention des poursuites en responsabilité professionnelle, vouloir satisfaire un client à tout prix peut s’avérer aussi risqué que de le négliger. Voici quelques exemples illustrant nos propos.

Le client négocie constamment vos honoraires ou exige des services gratuitement 

Certes, il peut arriver à l’occasion de consentir à une réduction d’honoraires ou de rendre des services juridiques gratuitement afin de maintenir une bonne relation d’affaires avec un client. Cependant, lorsque cela devient régulier et sans réelle contrepartie, interrogez-vous sur la poursuite d’une telle relation.

Plus particulièrement, méfiez-vous du client qui négocie constamment à la baisse vos honoraires ou exige des services gratuits. Il y a fort à parier qu’il refusera éventuellement d’acquitter vos factures. De fait, le paiement des honoraires est une source importante de conflits entre les avocats et leurs clients. Ces derniers se défendent souvent de devoir payer quelques honoraires que ce soit, en soutenant à tort ou à raison qu’une faute professionnelle a été commise.

Afin d’éviter la survenance de tels conflits, assurez-vous que le client potentiel a les moyens de s’offrir vos services. Autrement, parions qu’il considèrera ultimement que vos services sont trop dispendieux ou que leur qualité ne justifie pas le montant demandé.

De même, informez le client potentiel du montant auquel vos services peuvent s’élever. D’ailleurs, il s’agit d’une obligation déontologique prévue aux articles 99 à 102 du Code de déontologie des avocats[1]. Pour ce faire, incluez un budget des honoraires anticipés dans la convention d’honoraires que vous ferez signer au client.

En cours de mandat, avisez le client de toutes circonstances pouvant entraîner des modifications significatives au coût prévu de vos services professionnels.

Enfin, une demande d’avance d’honoraires et de frais permet parfois de vérifier le sérieux d’un client en regard de ses obligations financières. Toutefois, si vous attendez une avance d’honoraires avant d’effectuer tout travail dans le dossier du client, prenez soin de l’en informer par écrit. Précisez les démarches urgentes à effectuer, les conséquences que le non-respect d’un délai peut avoir et surtout, qu’aucun travail ne sera effectué avant la réception de cette avance.

Précisons que même si vous n’avez pas reçu l’avance d’honoraires, vous devez intenter le recours, le cas échéant, afin de ne pas faire perdre de droits au client. 

Le client désire instituer une procédure abusive 

Un client vous mandate afin d’instituer une action contre son employeur pour congédiement déguisé. En révisant le dossier, vous êtes d’avis que le congédiement du client était justifié et qu’une éventuelle poursuite contre l’employeur est vouée à l’échec. Faisant preuve d’une grande diplomatie, vous informez le client de votre opinion.

Qu’à cela ne tienne, il désire tout de même introduire une procédure contre son employeur et réclamer des milliers de dollars en dommages et intérêts ainsi que des dommages punitifs. Que faire?

L’article 41 du Code de déontologie des avocats est clair, vous devez tenter de dissuader le client d’exercer tout recours ou de déposer toute procédure abusifs et l’informer des conséquences possibles.

S’il persiste dans son intention, vous devez refuser le mandat. À cet égard, n’oubliez pas de confirmer par écrit votre refus au client. N’hésitez pas à prendre connaissance de notre Aide-mémoire – Survol des principaux éléments à documenter pour connaître les éléments à inclure dans votre lettre de refus de mandat.

Le client omet de donner suite à plusieurs demandes d’informations ou de documents nécessaires à son recours  

Qui n’a jamais eu un client qui néglige de transmettre les engagements souscrits lors de son interrogatoire préalable ou tarde à transmettre les documents nécessaires, et ce, malgré plusieurs rappels de votre part?

De telles situations dénotent un manque de collaboration du client qu’il importe de ne pas laisser perdurer. Non seulement cela fait perdre du temps, mais en plus vous expose à des reproches quant au respect des délais.

Prévenez ces situations en faisant signer une lettre-mandat au client contenant une description du mandat et ce qui en est spécifiquement exclu. Précisez les documents que le client doit fournir ou tout acte à être accompli par le client lui-même ainsi que les délais.

Lorsqu’un recours est entrepris, assurez-vous que le client reçoive le Protocole de l’instance et comprenne l’importance de le respecter.

L’idée du « client roi » mérite d’être remise en question. Lorsque mal interprétée, cette maxime peut mettre en péril votre équipe de travail et votre responsabilité professionnelle.

 

Références 

Code de déontologie des avocats, RLRQ, c. B-1, r. 3.1.

Jay Reeves, The Client is not Always Right, Byte of Prevention Blog, Client Relations, Lawyers Mutual Insurance Company, 20 juin 2022 : https://www.lawyersmutualnc.com/blog/the-client-is-not-always-right.  

Emily Heaslip, Is the Customer Always Right? How to Handle Common Customer Problems, CO by U.S. CHAMBER OF COMMERCE, 10 mai 2022 : https://www.uschamber.com/co/grow/customers/is-the-customer-always-right.

Kumar Arora, The Customer Is Not Always Righ: Here Are Five Reasons Why, Forbes, Entrepreneurs, 23 mai 2019 : https://www.forbes.com/sites/theyec/2019/05/23/the-customer-is-not-always-right-here-are-five-reasons-why/?sh=2a0e630e1f68

[1] Code de déontologie des avocats, RLRQ, c. B-1, r. 3.1.