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2021-05-03 Articles

La préparation du procès : Pistes de réflexion pour éviter une réclamation

3 mai 2021

Après plusieurs semaines d’attente, vous recevez enfin le jugement tant attendu! Ce dernier accueille en partie la demande introductive de votre client. Satisfait, vous transmettez au client le jugement par courriel en lui demandant de vous rappeler lorsqu’il en aura pris connaissance.

Vous recevez plutôt un long courriel du client. Ce dernier se dit déçu des montants obtenus. Il estime que ce piètre résultat est la conséquence de votre manque d’assurance lors de la plaidoirie. Il vous reproche également d’avoir omis de présenter des preuves favorables à sa position afin d’obtenir plus d’argent.

Trop souvent, nous voyons des reproches similaires au Fonds d’assurance. Dans bien des cas, la cause de ces reproches réside dans l’omission de préparer adéquatement le client pour le procès. Détrompez-vous, il ne s’agit pas uniquement de préparer son témoignage. D’autres facteurs méritent votre attention. Voici donc quelques suggestions afin de limiter les risques d’être l’objet d’une réclamation ou d’une poursuite en responsabilité professionnelle en lien avec la préparation du procès.

1.      Le travail en amont

Le procès est sans doute un événement stressant pour le client. Évitez d’accroître ce stress en lui annonçant la veille du procès l’existence d’éléments nuisibles à son dossier, ou pire encore, de changer drastiquement d’opinion. Une telle pratique risque fort d’effriter le lien de confiance vous unissant à votre client.

Aussi, tout au long du dossier, informez-le par écrit des développements ainsi que leurs impacts sur les chances de succès de son dossier (les bons comme les moins bons).

Cette communication transparente et régulière favorisera une meilleure acceptation par le client de vos recommandations lors de la préparation du procès.

2.      La préparation de l’avocat

L’un des jalons importants de la préparation du procès est la mise en état du dossier. Assurez-vous de maîtriser de manière exemplaire la théorie de la cause. Posez-vous les questions suivantes :

Quelles pièces doivent être déposées?
Est-ce approprié de déposer le rapport d’expert?
Est-ce que des notes sténographiques doivent être déposées? Si oui, est-ce dans leur entièreté ou seulement des extraits?
Qui seront vos témoins?

N’oubliez pas de transmettre au client une copie de ces documents ainsi que la Déclaration commune de dossier complet afin de recueillir ses commentaires et instructions, et ce, avant leur dépôt au greffe. L’objectif est de vous assurer que le client est confortable avec la preuve que vous présenterez au tribunal.

3.      La préparation du client

La préparation du client en vue du procès se divise en quatre (4) aspects : Les explications sur le déroulement du procès, les discussions sur les risques et les coûts du procès, la révision de la preuve et la gestion des émotions.

i) Les explications sur le déroulement du procès

De manière générale, le procès constitue la première expérience du client avec une salle de cour. Il est donc tout à fait normal qu’il soit nerveux à l’approche du procès. Aussi, certains sujets méritent d’être abordés pour limiter la tension vécue par le client :

• Expliquez au client le décorum dans une salle de cour : Par exemple, abordez la question de la tenue vestimentaire ou la manière de s’adresser au juge et aux avocats des autres parties. Un autre élément à mentionner est le fait de devoir se lever en signe de déférence à l’entrée et à la sortie du juge de la salle. S’il s’agit d’une audition virtuelle ou semi-virtuelle, expliquez quel décorum doit être respecté.

• Rappelez au client la durée anticipée du procès : Confirmez la durée prévue du procès et sensibilisez le client au fait que le travail peut s’étendre au-delà de la journée d’audition. Par exemple, en fin de journée, vous pourriez avoir besoin du client pour obtenir des précisions suite au témoignage de la partie adverse.

• Fournissez au client l’horaire anticipé pour chaque jour de procès : Cet horaire devrait notamment comprendre l’identité des témoins et l’ordre dans lequel ils viendront témoigner.

• Expliquez-lui le concept de l’exclusion des témoins : Assurez-vous qu’il comprend bien que les témoins ne peuvent pas se parler de leur témoignage s’il y a exclusion des témoins.

• Expliquez-lui l’ordre de présentation de la preuve : Autrement formulé, la partie demanderesse débute avec sa preuve suivie de la preuve de la partie défenderesse et d’une possible contre-preuve dans certains cas.

• Mettez le client en garde contre la tentation de tirer des conclusions hâtives : Par exemple, ce n’est pas parce qu’une personne témoigne bien en interrogatoire en chef qu’elle performera bien en contre-interrogatoire. Par ailleurs, un froncement de sourcils du juge ne signifie pas la perte du dossier.

• Eu égard au témoignage du client, spécifiez-lui que vous ne pourrez pas lui donner de conseils lors de son témoignage ni lors d’une pause.

• Enfin, précisez quelles sont vos disponibilités durant le procès : Durant les pauses préférez-vous peaufiner certains arguments? Êtes-vous confortable à ce que le client vous glisse des petites notes ou des questions durant l’audience?

ii) Les discussions sur les risques et les coûts du procès

Il n’est pas toujours facile d’aborder avec le client les aspects négatifs du dossier ou les questions financières. Cependant, ces discussions jouent un rôle de premier plan dans la gestion des attentes du client. De même, elles lui permettent de prendre une décision éclairée quant à l’opportunité d’aller à procès. Décision qui, après tout, lui revient!

• Préparez divers scénarios des résultats possibles du procès et révisez-les avec le client : Il s’agit d’évaluer les résultats possibles d’un procès (positifs et négatifs). En outre, pour chaque scénario, déterminez le pourcentage de chances qu’il se produise.

• Discutez des conséquences financières liées au procès : D’une part, il s’agit de fournir un budget détaillé des frais sous-jacents au procès (montant de vos honoraires, les honoraires de l’expert, frais pour l’assignation de témoins, etc.).

D’autre part, transmettez votre évaluation de la valeur réelle des dommages réclamés en prenant soin d’aviser le client, s’il est en demande et qu’il a gain de cause, que le montant obtenu peut différer du montant réclamé. Cela dit, votre évaluation ne doit pas s’arrêter là!

En demande, précisez combien d’argent restera dans les poches du client si l’action est accueillie, et ce, après le paiement des frais liés au litige. En défense, vérifiez auprès de votre client sa capacité financière à payer les montants auxquels il pourrait être condamné.

Également, n’oubliez pas de traiter de la question des frais de justice et de la possibilité d’une condamnation aux honoraires extrajudiciaires.

• Vérifiez l’ouverture du client à régler à l’amiable : À la lumière des divers scénarios et coûts liés au procès, sondez votre client sur la possibilité de régler le dossier à l’amiable. De même, si une offre a déjà été formulée dans le dossier, vérifiez auprès du client s’il est disposé à reconsidérer cette dernière. Parfois, avoir gain de cause n’équivaut pas à obtenir un jugement pleinement en sa faveur. Le client peut être perdant si le montant obtenu à la suite du jugement est inférieur à ce qui était réclamé et/ou à ce qui lui en a coûté pour aller à procès.

• Documentez votre dossier relativement aux conseils et aux recommandations formulées au client : Mettez par écrit vos conseils et vos recommandations quant à l’opportunité d’aller à procès ou de régler. Précisez également les raisons menant à ces conseils ou ces recommandations. Mettez également par écrit les conseils ou recommandations que le client a choisi d’ignorer. Dans la mesure où vous recommandez au client de régler et qu’il persiste à vouloir aller de l’avant, faites-lui signer une lettre reconnaissant que vous lui avez expliqué la situation et que malgré vos recommandations, il veut toujours procéder.

• Assurez-vous d’obtenir des instructions écrites de votre client : Ces instructions peuvent porter sur les offres et contre-offres de règlement ainsi que sur la décision d’aller à procès. Par ailleurs, dans la mesure où vous représentez plusieurs personnes dans un dossier, assurez-vous d’obtenir les instructions de chacune d’entre elles.

iii) La révision de la preuve

• Révisez la théorie de la cause : Si vous êtes en demande, expliquez au client le fardeau de la preuve. En défense, revoyez les arguments qui peuvent être opposés à la partie demanderesse. Discutez avec le client des points forts et des points faibles du dossier. Pour les points faibles, voyez avec le client s’il a des arguments additionnels.

• Révisez avec le client l’ensemble des versions des faits données durant l’instance : Examinez les notes sténographiques de l’interrogatoire ou les déclarations sous serment du client afin de confirmer qu’il n’y a pas de contradiction. Également, déterminez si certains éléments du témoignage hors cour du client méritent d’être éclaircis ou corrigés.

• Dans la même veine, préparez minutieusement le témoignage du client : Dans le cadre de cette préparation, vous pourriez amener le client dans une salle de cour quelques jours avant le procès pour lui montrer où il sera positionné pour témoigner. Également, certains avocats simulent avec le client son interrogatoire et son contre-interrogatoire. D’autres transmettent au client le résumé de son témoignage. Dans ce dernier cas, il faut s’assurer de ne pas orienter le témoignage du client. Ce dernier doit aussi éviter de l’apprendre par cœur pour éviter de nuire à sa crédibilité. Il doit aussi s’abstenir de l’apporter avec lui lors de son témoignage.

• Examinez l’ensemble des pièces du dossier : Passez en revue l’ensemble des documents qui ont été déposés en preuve par chacune des parties au dossier. Cela dit, attardez-vous aux pièces ayant une incidence négative sur le dossier de votre client. Vérifiez auprès du client s’il a des commentaires additionnels eu égard à ces pièces.

iv) La gestion des émotions

La gestion des émotions du client est un aspect régulièrement sous-estimé dans la préparation du procès. Or, des émotions trop vives peuvent influencer négativement la tournure du procès.

• Discutez avec le client des émotions qui peuvent se manifester lors du procès : Avisez le client qu’il est normal de vivre du stress ou certaines émotions négatives lors du procès.

• Validez l’opportunité que le client soit accompagné : Pour les clients très émotifs, il peut être approprié qu’ils soient accompagnés d’une personne en qui ils ont confiance lors du procès. Cette personne pourra apporter le support nécessaire au client durant une pause.

Le procès est l’aboutissement de longues heures de travail autant pour l’avocat que pour son client. En appliquant les suggestions ci-dessus, vous limiterez les risques d’être l’objet de reproches en lien avec la préparation de vos procès, et ce, peu importe le jugement obtenu.

 

Références :

Diane Devlin Welsh, “PREPARE YOUR CLIENT FOR TRIAL: If you haven’t helped them with their homework, you can lose”, (1990) 12:4 Family Advocate 40.

LAWPRO, “Client Trial Preparation Checklist”, dans practicePRO, 2016, en ligne : https://www.practicepro.ca/practice-aids/checklists/client-trial-preparation-checklist/.

LAWPRO, “Client Trial Prep Checklist”, dans practicePRO, 2016, en ligne : https://www.practicepro.ca/wp-content/uploads/2017/06/Client-Trial-Preparation-Checklist.pdf.