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2020-02-03 Articles

Marika et l'oiseau de malheur : Gare aux médias sociaux!

Février 2020

Péripéties d'une jeune avocate pas comme les autres!

Marika et l’oiseau de malheur : Gare aux médias sociaux!

Par un beau vendredi de février, Marika savoure son Mokaccino dans son bureau laissant aller ses pensées au merveilleux weekend de ski qui l’attend au Vermont. Ceci dit, il lui reste à rencontrer de nouveaux clients avant de pouvoir user sa nouvelle paire de skis. Le téléphone sonne arrachant Marika à ses rêveries. Il s’agit de son assistante l’avertissant que les clients sont arrivés.

Ces derniers lui expliquent avec moult détails que leur voisin, jeune célibataire, a emménagé il y a quelques mois. Ce dernier a fait installer un spa et il arrive fréquemment qu’il organise des fêtes jusque tard dans la nuit. Une thermopompe y a également été installée qui empiète sur leur terrain ainsi qu’une lumière dirigée directement sur leur chambre à coucher. Bien qu’ils aient tenté de convenir avec le voisin de déplacer la thermopompe et la lumière, ils ont essuyé un refus catégorique. Leurs nuits de sommeil étant fortement perturbées, ils désirent trouver une solution à l’amiable afin que cessent les agissements de leur voisin ainsi qu’une solution à l’empiètement de la thermopompe. C’est ainsi que Marika suggère l’envoi d’une mise en demeure afin d’inciter le voisin à communiquer avec elle pour en arriver à un compromis. Les clients soulagés acceptent la proposition de Marika.

Le lundi matin, après avoir raconté à son assistante son merveilleux weekend et vanté la gastronomie de la petite auberge où elle a résidé, Marika s’attèle à la tâche et rédige la mise en demeure pour ses clients.

Quelques jours plus tard, le jeune voisin communique avec elle. Il est outré par les affirmations contenues dans la mise en demeure et affirme avoir fait toutes les vérifications nécessaires avant d’installer la thermopompe. Il refuse toute entente à l’amiable et accuse les clients de Marika d’être de « vieux schnock ». Il lui promet des représailles. D’ailleurs, deux jours plus tard, les clients communiquent avec Marika et lui expliquent que le voisin a soufflé toute sa neige sur leur terrain. Également, à chaque sortie du couple, le voisin sort de sa résidence et les insulte en pleine rue. Madame craint dorénavant de sortir seule. Marika rassure tant bien que mal ses clients et leur promet de communiquer rapidement avec le voisin afin que ses agissements cessent.

En soirée, alors qu’elle travaille sur un cahier d’autorités pour Me Pagé, Marika est dérangée par l’alarme sonore de sa boîte courriel lui notifiant qu’un message vient de rentrer. Il s’agit d’un courriel de ses clients lui transmettant une capture d’écran du compte Twitter de leur voisin. Ce dernier commente allègrement la mésentente entre les parties et formule des commentaires désobligeants à leur égard. Marika n’en croit pas ses yeux! Peut-être est-ce la fatigue en raison des courtes nuits passées à préparer le procès de Me Pagé, mais elle décide de répondre sur Twitter aux commentaires du jeune voisin. Alléguant sa mauvaise foi, elle lui demande de cesser d’insulter ses clients et affirme qu’il est le type de voisin dont tout le monde aurait horreur de voir s’installer à proximité de chez lui. Satisfaite, Marika se remet à la tâche, mais la réponse du voisin ne se fait pas attendre! Non seulement continue-t-il à s’en prendre à ses clients, mais il fait d’elle sa prochaine cible. Il la menace ni plus ni moins de poursuite en diffamation. Insultée, Marika lui répond, toujours sur Twitter, qu’il fasse ce qu’il a à faire.

Le lendemain matin, Marika constate un message laissé dans sa boîte vocale. Ses clients désirent lui retirer le mandat estimant que sa conduite est non professionnelle et qu’elle a envenimé la situation. Alors que Marika encaisse tout juste le choc, Me Pagé, le visage pourpre, débarque dans son bureau. Un de ses clients lui a transmis les échanges houleux entre Marika et le voisin. Me Pagé s’explique mal la conduite de sa protégée et se dit fort déçu d’autant plus que cela nuit à la réputation du cabinet. Honteuse, Marika lui présente ses plus sincères excuses et s’enferme dans son bureau.

L’histoire ne finit pourtant pas là. Quelques semaines plus tard, la pauvre Marika reçoit une demande introductive d’instance aux petites créances instituée par le jeune voisin qui prétend avoir été diffamé. N’ayant pas d’autre choix, elle en avise le Fonds d’assurance. Plusieurs mois plus tard, le juge responsable du dossier rejette la demande introductive d’instance, mais écorche au passage Marika jugeant que sa conduite n’est pas digne d’un professionnel du droit. Après cette terrible mésaventure, Marika décide de se retirer de tous les réseaux sociaux.

Note À retenir : À l’ère où tous sont connectés, il est parfois tentant pour les avocats d’utiliser les réseaux sociaux pour communiquer avec leurs clients ou de potentiels clients. Cela dit, ce mode de communication n’est pas sans risques! Rappelons que les réseaux sociaux ne peuvent garantir la confidentialité des informations échangées sur leur plateforme.

Ainsi, aucune communication visée par le secret professionnel ne doit se tenir sur un réseau social puisqu’il est impossible de savoir qui pourrait y avoir accès. Aucune opinion juridique et aucune représentation qui pourrait être perçue comme un conseil juridique ne doivent être transmises en utilisant les réseaux sociaux.

N’acceptez pas n’importe qui comme « ami » ou relation sur vos réseaux sociaux. Après réflexion, peut-être déciderez-vous de ne pas donner accès à vos collègues à votre page Facebook ou de refuser sur LinkedIn la demande d’une personne pouvant vous embarrasser.

Finalement, que ce soit avec vos clients ou des tiers, il vaut mieux tenir un discours poli et professionnel et faire attention aux commentaires que vous publiez. Cela réduira vos risques de faire l’objet d’une poursuite en diffamation.

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